Hourouf I حروف

ميدان التحرير 

Tahrir square

Triptyque 

Encre sur argile

114 x 93 cm 

© Yazid kheloufi, 2011

 

 

 

Tahrir square, un triptyque qui, lui, n’a rien de mystique ni de philosophique. Il s’agit de l’hommage rendu par l’artiste à deux jeunes martyrs devenus les a posteriori les « déclencheurs » du « Printemps arabe », l’Egyptien Khaled Saïd qui succomba aux coups de la police d’Alexandrie en juin 2010 et le Tunisien Mohammed Bouazizi, beaucoup plus connu en Occident, et qui s’était immolé par le feu en janvier 2011 lorsqu’on lui interdit, une fois de trop, de vendre ses légumes à la sauvette dans les rues de sa petite ville, faute d’autorisation.

Ce triptyque s’intitule Tahrir Square du nom de la désormais célèbre place du Caire où s’est déroulée la majeure partie des manifestations en Egypte qui ont conduit, avec l’accord sinon le soutien de l’armée, au départ d’Hosni Moubarak en février 2011. Les textes que nous voyons sur ces trois panneaux sont en fait constitués des slogans qui ont été crié, hurlé par les manifestants sur ladite place comme « le peuple veut changer le système ! », « le sang des martyrs ne coulera pas pour rien ! », « on exige un gouvernement démocratique, pas de gouvernement dirigé par les militaires ! « c'est toi qui dégage, Moubarak, moi je reste ! », etc. Le panneau de droite, lui, est principalement constitué d’un profil composé de lettres de l’alphabet arabe dont les deux premières sont le « alif » et le « bâ » (issues d’alphabets plus anciens et qui donneront les « alpha » et « bêta » de l’alphabet grec), ce « alif » et ce bâ » formant, unis, une croix et un croissant représentant symboliquement les deux composantes culturelles de l’Egypte d’aujourd’hui.

 

L’écriture est une source inépuisable de créations, que celle-ci soit envisagée comme transmission de sens ou bien transmission de formes ou bien encore, comme dans les œuvres de Yazid Kheloufi, héritier de milliers et de milliers d’ « écriveurs » depuis l’aube des civilisations, de « matérialisation » de réflexions, de pensées, d’histoires vécues ou rêvées, de mise en beauté de la beauté de l’esprit, l’une comme l’autre se nourrissant mutuellement. Les écritures de Yazid Kheloufi semblent abstraites (comme le sont les écritures aujourd’hui, même la chinoise), à savoir « illisibles » pour celui qui n’en connaît pas les clefs, mais en fait, bien concrètes, représentant des parts du monde, donnant forme matérielle aux hommes qui le peuple et à ses paroles. Des « voix » de l’homme sur la terre, voilà ce que sont les œuvres de Yazid Kheloufi.

 

Et c’est bien pour cela qu’elles sont tracées dans l’argile, de cette poussière dont nous sommes faits.    

 

Georges A.BERTRAND

Écrivain photographe, spécialiste du monde musulman